En Ukraine comme en Pologne la décoration de l’œuf de Pâques porte le nom de « Pyssanka » (du verbe écrire), les croates l’appellent « Pisanica », en Hongrie « Himes Tojas » (de l’adjectif écrit), en Russie « Pissanka » (Писанка, du verbe пис’ать- écrire).

un oeuf-écrit slave, www.pisanka.ws

un oeuf-écrit slave, www.pisanka.ws

Depuis l’installation du christianisme sur les territoires slaves, la Pissanka est considérée comme l’œuf de Pâques.

Mais ses racines sont plus profondes.

Il suffit d’étudier les symboles païens écrits sur ces œufs.

vue de 4 cotés d'une Pyssanka de Taras Gorodetskiy. "Le mondes dans les Pyssankas de Taras Gorodetskiy" V.Man'ko

vue de 4 cotés d’une Pyssanka de Taras Gorodetskiy (Ukraine). « Le monde dans les Pyssankas de Taras Gorodetskiy » V.Man’ko

L’œuf-écrit ou l’œuf de Pâques?

Les Pissankas sont les véritables œufs crus vidés d’oiseau à coquille blanche : œuf de poule, d’oie, de canard, de pigeon, d’oiseaux sauvages, de poule d’eau, de mouette, de cigogne et même d’autruche…

Les œufs durs colorés à la façon des Pissankas sont les œufs de Pâques.

Les véritables Pissankas ont des motifs stricts à respecter en les recopiant d’un œuf à l’autre depuis des siècles.

Les œufs de Pâques permettent d’ appliquer un peu de fantaisie.

Les Pissankas slaves, www.pisanka.ws

Les Pissankas slaves, www.pisanka.ws

Le respect de l’œuf-écrit

 Le vrai œuf écrit avait le rôle de protéger la personne à qui il appartenait.

Il faut savoir que cet art d’écriture magique était pratiqué que par les femmes, les jeunes filles et les filles à partir du jour où la petite réussissait à écrire des lignes droites.

Chez nos ancêtres païens et maintenant chez les orthodoxes (surtout en Ukraine où cette tradition a eu la chance d’être transmise comme un artisanat et conservée) la Pissanka est respectée autant qu’une croix ou une icône.

 Qu’est-ce qu’on faisait avec?

 Au printemps, le maître de la maison posaient deux Pissankas sous la ruche-mère pour qu ‘elles protègent ses abeilles.

Avant de labourer la terre, on mettait dans la terre du champ une Pissanka pour que celle-ci donne une bonne récolte.

On roulait la Pissanka sur le dos des animaux domestiques avant de les sortir au pâturage au printemps.

Les jeunes filles offraient à aux jeunes gens les mouchoirs brodés avec une Pissanka dedans. Si le jeune homme acceptait le mouchoir, la jeune fille lui plaisait. Il lui rendait le mouchoir rempli des bonbons et des gourmandises en gardant sa Pissanka.

les Pissankas avec les symboles du feu dans une boîte en écorce de bouleau, www.pisanka.ws

les Pissankas avec les symboles du feu dans une boîte en écorce de bouleau, www.pisanka.ws

La femme qui tardait à avoir des enfants offrait les Pissankas aux enfants en espérant que le Dieu lui donnera un bébé.

La femme enceinte préparait une Pissanka pour la mettre dans le berceau de son nouveau-né pour empêcher le mal de s’y installer.

Les signes-symboles des Pissankas

La Pissanka est un symbole du monde par elle-même, de sa création, de la joie, de la vie, du printemps et de l’amour.

On retrouve beaucoup des signes-symboles des Pissankas dans les broderies et les éléments tissés des costumes slaves. On y trouve des spirales et les méandres, des symboles protecteurs et spirituels des cultes antérieurs au christianisme. Ces ornements sont issus du néolithique.

Les myriades d’étoiles, le symbole du soleil complexe avec des croix, rosettes, ondulations, carrés représentaient la lumière divine dans toute sa magnificence.

La Pissanka à 48 rayons avec un étoile Swarog, www.pisanka.ws

La Pissanka à 48 rayons avec un étoile Swarog, www.pisanka.ws

Avec l’installation de christianisme, les Pissankas sont bénies à l’église et se gardent dans le coin rouge de la maison, c’est-à dire le coin de la maison où le maître posent l’icône.

 Que c’est fragile!

On ne jette pas une Pissanka même si elle est effondrée ou cassée. Les slaves la mettent dans la terre, brûlent ou laissent descendre sur la rivière.

Les slaves laissaient jouer les petits enfants avec les Pissankas.

C’est ainsi que les petits apprenaient la fragilité du monde et de la vie.

Une Pissanka vide accrochée sur un fil, www.pisanka.ws

Une Pissanka vide accrochée sur un fil, www.pisanka.ws


Les prototypes des œufs précieux de Karl Fabergé étaient des Pissankas faites avec des œufs de rouge-gorge de 1,5 cm en diamètre que les slaves recouvraient de dorure.

Ils dessinaient par dessus le motif floral très coloré.

Comment les fait-on ?

 Il vous faudra un œuf blanc cru (on le vide à la fin de travail), un petit stylet qu’on appelle kistka, la cire d’abeille comme pour le batik,un crayon pour tracer vos motifs, les exemples des motifs à dessiner, la peinture alimentaire, une bougie.

les ustensiles pour fabriquer une Pissanka

les ustensiles pour fabriquer une Pissanka

Vous tracez avec le crayon le motif sur toute la surface de l’œuf  Faites fondre la cire dans le petit stylet par dessus de la bougie.

Remplissez de cire les endroits que vous voulez gardez blancs. Ensuite mettez l’œuf dans la peinture dissous dans l’eau en allant de la plus claire à plus foncée.

Après recouvrez de cire les endroits ou les traits que vous voulez garder de votre première couleur et remettez l’œuf dans une autre couleur.

A la fin de vos colorations, chauffez légèrement l’œuf par dessus de la bougie pour faire fondre l’œuf tout en l’essuyant avec du linge propre pour faire partir la cire fondue.

Pour vider l’œuf, percez-le de deux extrémités avec une aiguille en perçant la poche du jaune à l’intérieur et soufflez pour faire sortir le contenu.

Les Pyssanka-gigognes en bois de la créatrice Mila Rogozyan

Les Pyssanka-gigognes en bois de la créatrice Mila Rogozyan (Ukraine)

Les mâitres-artisans des oeufs-écrits

Difficile à imaginer le procédé. Je met en ligne une vidéo sur une maître artisane ukrainienne Oksana Bilous filmé pour la TV coréenne. C’est très beau, bien présenté, mais en ukrainien, russe et coréen. On voit quand même le procédé.

L’essentiel est présenté dans cet article -> http://www.youtube.com/watch?v=s5If1KiS2-8

Je ne peux pas finir cet article sans parler d’un Maître Taras Gorodetskiy qui n’est plus avec nous. C’est un gourou de Pissanka qui a réussit de monter cet artisanat populaire au niveau de l’art fin.

Ceci sont les images de ses Pissankas que j’ai trouvé dans le livre de V. Man’ko « Le monde dans les Pyssankas de Taras Gorodetskiy » (В.Манько «Мир в писанках Тараса Городецкого»).

vue de 3 cotés d'une Pyssanka de Taras Gorodetskiy. "Le mondes dans les Pyssankas de Taras Gorodetskiy" V.Man'ko (l'oeuf de poule de la couleur beige, le motif blanc est effectué par le décoloration de la coquille dans l'acide dissous)

vue de 3 cotés d’une Pyssanka de Taras Gorodetskiy (Ukraine). « Le mondes dans les Pyssankas de Taras Gorodetskiy » V.Man’ko (l’oeuf de poule de la couleur beige, le motif blanc est effectué par le décoloration de la coquille dans l’acide dissous)

 

Amicalement

Natalia

 

Sources: http://likirussia.ru l’article de l’artisane de Pissanka Maria Minsitova (Russie, Barnaul)

Yvanka Tchumak « La Pyssanka. L’oeuf de Pâques ukrainien » dans l’édition Dessin et Tolra, Paris, 1981.

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A propos de Natalia Lagoguey

Après avoir enseigné le français en Russie, travaillé comme secrétaire-interprète à l'ambassade belge de Moscou, mis ses compétences aux services de plusieurs sociétés françaises, Natalia a décidé de partager ses connaissances de l'artisanat slave en général et russe en particulier. Ceci via son blog mais également via son pavillon russe ( www.costumerusse.kingeshop.com/ ) ou vous verrez, entre autre, ses créations et des expositions sur le terrain (Marchés, salons, foires...).

4 réponses à L’oeuf-écrit, l’art sacré des slaves depuis 8 mille ans

  • Adrien dit :

    Ces œufs sont vraiment magnifiques, et ceux qui les réalisent ont une précision et une minutie incroyable! Très belle découverte, que ce soit visuellement ainsi qu’on niveau de leur histoire 🙂

  • Aly dit :

    Cet art est magnifique et la durée pendant la quelle elle a survécu à travers le temps est remarquable. Tout cela montre l’importance que les gens portent à leurs croyances.
    La Pissanka est particulière et très jolie j’aimerais bien en avoir une.

    • Natalia dit :

      Bonjour, Aly, merci pour le commentaire. Vous avez raison, cet artisanat d’art est hors du commun. On ne les trouve pas en vente en France pour la simple raison de la fragilité extrême lors du transportation. J’en ai vu quelque uns dans les collections privées en France. Ils sont vraiment magnifiques! Et j’y crois sans doute à leur force protectrice mystérieuse.
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